Agences régionales de santé : historique et analyse par Claude Frémont
février 2008
Avec sa verve habituelle, Claude Frémont donne dans son dernier billet la genèse des Agences régionales de santé, dont l’idée remonte à loin : Mitterand et la régionalisation. Et il en donne aussi l’enjeu essentiel : réforme en profondeur de la sécurité sociale ou bottage en touche ? Voici de larges extraits de son billet, pour vous mettre en bouche : le mieux est quand même de foncer le lire ("
LE BILLET numéro 15. Si j’osais me permettre… - ARS : La fin de la SS ?…
", d’autant plus que c’est drôle !!!
" L’agence régionale de santé n’est que l’avatar ultime d’une réflexion d’experts bien plus ancienne encore, qui allait ériger en vérité première ce dogme incontestable : ’’La région est le niveau pertinent pour gérer la santé’’… (...) ça remonte, au fond, à François Mitterrand et à son discours historique du 15 juillet 1981, dans la capitale des Gaules : ‘’La France a eu besoin d’un pouvoir fort et centralisé pour se faire. Ella a aujourd’hui besoin d’un pouvoir décentralisé pour ne pas se défaire’’. Avec cette phrase aussi, vous ferez un tabac.
Le mouvement s’enclencha, quelque peu frénétique, empilant à foison les structures régionales. On avait déjà les DRASS et les CRAM. On eut les Observatoires régionaux de la Santé (ORS) dans les années 80, les Schémas régionaux d’organisation sanitaire (SROS) en 1991, les Unions régionales des médecins libéraux (URML) en 1993, les Agences régionales de l’hospitalisation (ARH) et les Unions régionales des caisses d’assurance maladie (URCAM) en 1996, les Missions régionales de santé (MRS), les Groupements régionaux de santé publique (GRSP) et les Conférences régionales de santé publique (CRSP) en 2004. Sans doute en oublie-t-on…
Ne manquaient plus que les ARS pour finir le boulot. (...) Vint alors la loi Douste-Blazy du 13 août 2004, avec les Missions régionales de santé (MRS), addition indigeste des ARH et des URCAM, qui bien sûr demeuraient. Mais dont l’article 68 prévoyait l’expérimentation d’Agences régionales de santé (ARS) dans quelques régions désignées par le ministre sur la base du volontariat. Il n’y en eut aucune, ce qui s’appelle pas la queue d’une. Faute de volontaires et faute de volonté…
Il n’y fallait plus guère que deux nouveaux rapports, qui viennent de tomber. Celui de Philippe Ritter, préfet honoraire et ancien directeur de l’ARH d’Ile-de-France. Et celui d’Yves Bur, chirurgien-dentiste, député UMP du Bas-Rhin, membre de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale. En matière de constats, les deux sont accablants.
Les deux rapports convergent sur la nécessité d’un pilotage régional fort et unifié. Et ils divergent à peine sur la place et le rôle de l’assurance maladie dans le dispositif. (...) Il faut savoir ce que l’on veut. Oui aux ARS, mais touche pas à ma CPAM, touche pas à ma CRAM, touche pas à mon URCAM !… (...) Ceux qui seraient tentés de verser, aujourd’hui, des larmes de crocodile, n’auront sans doute pas lu Didier Tabuteau, en juillet 2002 : ‘’Si la région s’est imposée comme le principal champ d’application des politiques de santé, elle ne peut devenir son cadre politique sans une réforme drastique de l’assurance maladie…’’ (Droit Social, N° 7/8, Juillet-Août 2002).
Mais ils peuvent encore lire cette déclaration du Collectif interassociatif sur la santé (CISS), par la voix de son président, Christian Saout, le 11 octobre 2007 : ‘’Le périmètre des ARS doit être le plus large possible au nom de la santé publique, en faisant fi des intérêts des corporations de tout poil, qui ne manqueront pas de craindre pour le pré carré qui leur sert de terrain d’exercice favori pour un lobby ignorant des besoins des personnes et plutôt attaché à défendre l’exercice de leurs prérogatives…’’.
Au point où nous en sommes, va pour les ARS !
Mais en gardant à l’esprit cette mise en garde du ‘’Rapport des quatre Sages’’ du 5 juillet 2001 : " la régionalisation échouera, quelles qu’en soient les modalités, si ses partisans n’ont en commun que le projet de repousser vers le niveau régional les questions majeures que pose l’avenir du système de santé."