Le livre noir de la santé : vraiment noir
décembre 2007
Après avoir lu « Le livre noir de la santé », de Gérard Bardy, il est très difficile de penser que notre système de santé est le meilleur au monde, ni même qu’il va bien, tout simplement. Et impossible de croire que ça va s’arranger. Le titre tient largement ses promesses, hélas ! pas seulement parce que l’ouvrage est écrit de la plume vivace du journaliste aguerri, mais surtout parce qu’il est fondé sur une documentation abondante, précise, chiffrée et puisée à des sources fiables. Le tout réalise un bilan complet et se lisant facilement des nombreux manquements du système. À garder sous la main pour les nombreux débats à venir, lorsqu’il s’agira de plaider à charge.
Car tout le monde en prend pour son grade : les politiques, évidemment, les professionnels de santé, surtout les médecins, qui semblent appartenir à un corporatisme désuet, les syndicats et même les patients. Seraient-ils tous condamnables, pour égoïsme effréné et vision étroite ? Ce serait trop simple… Gérard Bardy le sait bien, en bon connaisseur des acteurs du système. Tout occupé à pourfendre leurs tares, vaillant combattant d’une mêlée confuse, il prend garde à reconnaître ce qui de ci, de là, sont leurs qualités, parfois admirables (par exemple pour noter, comme beaucoup, le dévouement des personnels hospitaliers).
Les mêmes groupes sociaux apparaissent alors tantôt comme parés des vertus de l’altruisme, tantôt comme irrémédiablement voués à leurs seuls intérêts. Ce qui n’a rien de surprenant : aucun groupe social n’est franchement homogène. Ni immobile.
Le livre de Gérard Bardy est donc un excellent outil diagnostique. Il lui manque cependant une attention plus soutenue pour les mouvements de la "société civile", comme les réseaux, les associations de patients ou les enjeux de santé ne relevant pas que du système de "santé" (la santé au travail ou à l’école, par exemple). C’est que, comme la plupart des acteurs de santé, son point de vue reste installé dans le champ de ce système, en fait celui des soins. En conséquence, pour ce qui est du traitement, il ne peut que s’en remettre aux experts, dont les remèdes sont douloureux, incertains, tardifs, mal acceptés et pourtant inéluctables. Alors oui : noir, c’est noir.
Gérard Bardy. « Le livre noir de la santé ». L’Archipel, 2007.
Article paru sous une forme légèrement modifiée dans le n° 790 du 4 décembre 2007 de la Revue du Praticien médecine générale